La proposition de loi contre les contrefaçons a été adoptée au Sénat le 20 novembre 2013 (cf. notre billet du 22 novembre 2013) et doit être soumise aux députés le 4 février 2014.
Cette loi ne concerne a priori pas uniquement l’agriculture mais le Collectif « Semons la biodiversité » (un regroupement de plus de 24 organisations nationales parmi lesquelles Miramap, ATTAC, Les Amis de la Terre, etc.) s’est inquiété du risque que faisait peser cette loi sur l’association des semences paysannes à de la contrefaçon (lire aussi l’article de Actu-environnement).
Selon le Collectif , cette proposition de loi « criminalise les actes fondateurs de l’agriculture et transforme le paysan en délinquant au détriment de sa liberté d’entreprendre. Ses conséquences sont inacceptables et nient totalement l’histoire de l’agriculture : le travail millénaire de générations de paysans qui a permis de sélectionner et d’entretenir une immense diversité agricole permettant de nourrir l’humanité. »
Dans une lettre ouverte destiné aux députés (en date du 17 janvier 2014), ce même Collectif a déposé une proposition d’amendement à cette loi :
« La production à la ferme par un agriculteur de ses semences, de ses plants, de ses animaux ou de ses préparations naturelles pour les besoins de son exploitation agricole ne constitue pas une contrefaçon, et ce quelle que soit l’origine de ces semences, de ces plants, de ces animaux et des éléments naturels constitutifs de ces préparations.
La rémunération de la sélection des végétaux et des animaux destinés à l’alimentation et à l’agriculture fait l’objet de dispositifs particuliers qui ne rentrent pas dans le champ d’application des lois générales de lutte contre les contrefaçons».
Cette lettre est accompagnée d’un argumentaire juridique dans lequel il est rappelé le contenu de cette loi :
« Tout agriculteur qui produit et reproduit lui-même ses semences, ses animaux, ou encore ses ferments, levains, levures et autres préparations naturelles à base de micro-organismes ou d’autres éléments naturels issus de sa ferme ou de son environnement naturel et destinés à ses productions fermières de fromages, pains, charcuterie, vins, cidres… ou à soigner ses cultures ou ses animaux, est présumé contrefacteur.
Sa récolte, ses animaux, ses productions fermières, ses vins et autres boissons fermentées… pourront être saisis à l’initiative des services des douanes ou sur simple demande du détenteur d’un brevet, d’un COV (NDR : Certificat d’Obtention Végétale) ou d’une marque commerciale qui n’aura pas besoin pour cela d’apporter au préalable la preuve de l’existence d’une contrefaçon. En cas de décision juridique, ils pourront être détruits. A la moindre présomption de contrefaçon, l’agriculteur qui ne voudra pas prendre le risque d’être poursuivi devra prouver lui-même qu’il n’a reproduit aucun organisme vivant protégé par un droit de propriété intellectuelle »
L’argumentaire présente aussi les conséquences sur les agriculteurs :
« La première conséquence sera une atteinte inadmissible à la vie sociale agricole basée sur
l’entraide et la confiance. Tout le monde devra se méfier de tout le monde, notamment de toute
personne demandant d’échanger des semences, des animaux, des préparations naturelles… et
susceptible d’être un agent de la lutte contre les contrefaçons déguisé en délinquant, ou plus
exactement en pousse-au-crime.(…) »
Il me semble que cet amendement ne doit pas concerner seulement les agriculteurs, mais aussi les particuliers, qui eux aussi gardent leurs graines d’une année sur l’autre, bouturent, greffent… Et qu’il est très gênant de les exclure de la proposition d’amendement.